Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

Nom :
Lieu : France

07 mai 2006

A Chloé Delaume

Alors on va le dire, puisque commence le moment d'acquitter ses dettes. Sans Le cri du sablier, il n'y aurait pas eu Les langues paternelles. Ou pas comme ça. Si Chloé Delaume ne m'avait pas montré comment on peut repousser les limites de la langue, comment on peut à la fois l'asservir et s'y réfugier, si elle n'avait pas osé ces atroces épousailles de la langue et de la souffrance, je ne sais même pas si j'aurais pensé à la mettre en mots, cette histoire, la mienne.

Si ensuite, en relisant le manuscrit, elle ne m'avait pas poussé à la radicalité, aurais-je seulement sû que c'était possible? Ca existe le vertige. Ca peut faire renoncer à beaucoup d'expéditions. Ca vous glisse Allons, sois donc raisonnable. Mais si voyons les tirets, tu peux en laisser quelques uns. Et les points d'exclamation, ce n'est pas le diable après tout. C'est sucré le vertige. C'est doucereux. Vous reculez d'un pas. Et puis deux. Et puis trois. Et vous vous retrouvez dans ce que Chloé appelle les fictions divertissantes. Et tout est tellement plus confortable.

Cette dette je ne l'ai pas acquittée dans le livre comme font habituellement les auteurs, vous voyez bien pourquoi. Parce qu'il fallait bien que je parle de nulle part. Mais c'est ici l'instant de dire tout ce que cette aventure doit à Chloé Delaume.

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Oh! L'étrange bonheur qui accompagne la levée d'un secret!
Le soulagement d'avoir déposé le poids des silences , des omissions, des trahisons faites à des proches.La fierté un peu timide , le regard d'autrui qu'on espère et qu'on craint , la pudeur rétrospective de l'impudeur du dévoilement, l'euphorie légère qui s'empare alors de vous et vous pousse encore plus loin.Où donc? Honnêteté : rendre à chacun. Générosité: sentiment du devoir "bien" accompli dont on partage la paternité avec la rumancière.Dette? Reconnaissance? A jamais.
il y a un mot pour les désigner : "les bons sentiments".
Puissent-ils ne jamais faire taire Daniel.

11:32  
Anonymous Anonyme said...

Bien vu David, félicitations à Daniel...qui y est aussi un petit peu pour quelquechose ! n'est-ce pas?!!!....nous avons fait arrêt sur vos paroles,sur vos mots, et arrêt sur ces images qui sont nées en nous(!!).....continuons ....nous voulons juste savoir la fin de l'histoire avant de refermer le livre: a-t-ELLE lu les langues paternelles? demander une dédicace ? trouver les mots?....et juste une petite faveur,donnez- moi des nouvelles de Stan? merci et bonne route.
BERNADETTE,fidèle lectrice

16:08  
Anonymous Anonyme said...

Pirou Plage. Mon père est un vieux monsieur fatigué. Malade. Il nous attend sur le pas de la porte. Les épaules voutées, les sillons blancs des rides dessinant sur son visage cuivré un masque énigmatique..
La voix blanche, souriant, il feint l'étonnement en me voyant.
Il pleut.
Qu'est-ce que je fais là ?
Fred est à l'aise. Trop. Il trouve à s'occuper en ouvrant les huîtres, montrant une dextérité que je ne lui connaissais pas. J'enfile les paroles comme on enfile des corridors vides aux murs décrépis.
Comment noircir ces pages de silence ?
Comment habiter ces plages si souvent par nous deux désertées ?
Il sort de l'hôpital. Un ressort est cassé. Je le croyais indestructible. Tout le monde s'affaire à la préparation du repas.
Je ne sais pas quoi faire de mes mains.
Je commence des phrases qu'il n'entend pas. Qui suis-je pour lui ?
Lui, c'est le monsieur qui me tenait fermement la main, le samedi matin, sur le chemin de l'école.
Et j'étais fier, dans ces rues paresseuses, d'être avec mon père...

18:02  

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