Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

Nom :
Lieu : France

09 mai 2006

Désolé, les personnages sont à l'abri

Soudain tout a changé. Vous me demandez des nouvelles, Elizabeth, Roland, Bernadette, vous qui êtes là depuis le début. Vous me demandez si "elle" a lu le livre, comment "ils" vont, comment ils vivent tout ça, leurs derniers mots, leurs dernières notes de math, leurs dernières nouvelles. J'aimerais bien, vous savez. Vous faites partie de la famille. Il y en aurait à dire. Tous les jours un rebondissement. On ne s'ennuie pas, ces jours-ci.

Mais soudain je ne peux plus. Plus ici, en tout cas. Ce n'est plus l'endroit. Il faut que vous compreniez quelque chose. Ce qui protégeait les modèles des monstruosités de leurs personnages du livre, c'était l'anonymat, et aussi le temps passé. Les personnages, dans la cachette du livre, prononçaient de très anciens mots, faisaient de très vieux gestes. Ainsi étaient-ils inoffensifs, comme de vieux monstres d'un autre temps. Ils ne menaçaient personne. Ils tiraient à blanc, personne n'entendait rien. L'auteur s'amusait bien. Il pouvait tout leur demander, les forcer à toutes les pirouettes. Et même, il pouvait leur demander de prolonger ici les singeries, inventer d'autres mots encore, donner de leurs nouvelles, vraies ou fausses peu importe, bref continuer de mentir vrai. On était entre nous. Vous les connaissiez. Vous aviez lu le livre. Et cette connaissance se lisait dans vos mots, dans les silences de vos questions.

Depuis qu'il est démasqué, l'auteur, tout a changé. Il passe bien du monde, ici, qui n'a pas lu le livre. Ils viennent par curiosité. Comme au salon du livre, glissant devant la chaise de l'écrivain, ils regardent, soupèsent, hochent la tête, passent leur chemin. Ils font des mines graves. Parfois ils s'offusquent en marmonnant, trouvent que c'est bien de l'impudeur, que ça ne se fait pas. Et ce sont les modèles, désormais en première ligne, qui risquent de recevoir un marmonnement collatéral sur le coin de la figure. Alors mes personnages, je les ai rentrés pour l'été. Trois petits tours et disparus. Vous n'aurez pas de nouvelles, désolé, ce n'est pas dans le contrat d'écriture. Mes personnages c'est dans leur cadre naturel qu'on peut admirer leurs pirouettes, dans cet écosystème qu'est le livre. Pas dans cette petite cage, ici, devant les visiteurs du dimanche. Mes personnages ils sont figés désormais dans leurs gestes du livre, dans leurs malheurs du livre, et c'est très bien comme ça.

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

oui c'est vrai David,c'est mieux comme ça....respect......pour un peu, j'avoue,j'avais oublié qu'on pouvait lire au-dessus de mon épaule, ou de la votre....respect...laissons les personnages à l'intérieur de votre roman, bien au chaud,à l'abri des regards curieux,malveillants, ou suspicieux...De leurs nouvelles,nous allons nous en faire une histoire, chacun à notre guise, et c'est mieux comme ça......auteur démasqué?...certes, mais pour nous vous resterez David Serge. Encore mille fois merci BERNADETTE

23:38  
Anonymous Anonyme said...

Je ne sais pas si elle est correcte, mais j'avais fait l'analyse suivante de votre "coming out" (voir commentaire # 1.1.1.1):

http://www.defacto-asbl.be/blog/index.php?/archives/20-Derive-autour-dun-texte-de-Chklovski-le-cas-Houellebecq.html#extended

Je n'ai toujours pas lu votre livre, mais ça ne saurait tarder. En tant qu'homme vous me impressionnez de plus en plus... je suis avide de connaître (un peu) l'écrivain...

14:03  
Anonymous Anonyme said...

Pas d'inquiétude, je comprends.
Je ne vais pas reprendre les commentaires de ceux qui vont dire "blablabla... c'est bien" ou "blablabla... c'est pas bien".
Souviens-toi, nous avons chanté les mêmes chansons "Le ciel est bleu, le ciel est bleu, réveille-toi, c'est un jour nouveau qui commence..."
Allez hop en vacances.
N'oublie pas quand même, pour me rassurer, de m'envoyer une petite carte postale, même pré-remplie (tu te souviens, il fallait mettre des croix; il fait beau, je vais bien...)je saurais que c'est toi.
Avec la famille, Bernadette, Elisabeth et les autres, si nous en avons l'occasion, nous ferons une petite veillée pour parler de vous, de nous, de notre jeunesse de la vie quoi, sans trop se prendre la tête, des souvenirs tout simplement, Memphis ou Belleville.
Si tu passes dans le coin, n'hésites pas, viens boire l'apéro, je ferais péter le mousseux mais toi n'oublies pas la pizza.
Attention, pas un vendredi soir Monsieur kippa de travers (tu vois ce que je veux dire?)lolll! c'est comme ça que les jeunes disent pour faire savoir qu'ils plaisantent.
Embrasse très fort Stan, Pierre et Angélique.
Je te serre.
Bonnes vacances, prenez soin de vous (n'oublie pas la bicyclette).
Bises, merci encore pour ton accueil, ta convivialité et les bons moments passés ensemble.

Tonton Roland.

Pour acheter des glaces aux petits, tu te souviens du N° des com.? Moi je ne me souviens plus si c'est aux Caïmans aux Requins ou aux Foculs.
Je te fais confiance p'tit frère.

15:08  

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