Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

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Lieu : France

07 février 2006

Fais ce que je te dis

Te revoilà, encore? Te revoilà en larmes, couvert de sable, couvert de morve. Comme d'habitude. Veulent pas jouer avec toi? Toujours la même chose. Mais qu'est-ce qu'ils disent à la fin? Que vous ne jouez pas dans la même catégorie? Qu'ils s'appellent Auster, ou Kafka, ou Roth? Et alors? La belle affaire. D'abord ce n'est pas moi qui le dis, c'est Assouline. Ils n'ont qu'à lire. Donne-leur le lien. Personnellement jamais je n'aurais osé. Mes références à moi c'est Iznogoud, ou Tintin, ou Chelon. Evidemment on change de catégorie. Bien sûr on ne peut pas comparer. Ca aussi il le dit, Assouline. Un flûtiste, comme il dit. Dis leur donc si ça les rassure. Pas comparer bien entendu et pourtant certaines étapes, c'est curieux comme on s'y retrouve. A certains points de passage. Le moment où s'inverse la diagonale par exemple. Le moment où bascule le pouvoir.

"Pères et fils quelle histoire. De grand soleil et d'ombre, de l'adret à l'ubac, la jolie diagonale. Cette diagonale directe, implacable et douce, qui s'inverse doucement au fil des ans. Un jour on lève les yeux pour parler à ses fils et on ne casse rien, comme un couple au creux d'un lit, elle sur lui, lui sur elle, sans se déprendre. Cette ligne qui bascule de regard à regard, sans rien perdre en pureté, et rend si douce la descente".

Ca c'est de moi. Et écoute Roth à présent, qui tente de convaincre papa octogénaire de venir faire un tour dans le quartier:

"Je lui dis alors cinq mots, cinq mots que je ne lui avais encore jamais adressés de ma vie: "Fais ce que je te dis. Mets un pull et tes chaussures de marche".

Et ils firent merveille, ces cinq mots. J'ai cinquante-cinq ans, lui a près de quatre-vingt-sept ans, et nous sommes en 1988: "Fais ce que je te dis", je lui dis ça, et il le fait. C'est la fin d'une époque et le début d'une autre".

Voilà. Retournes-y petit papa. Cesse donc de renifler, et retournes-y encore. S'ils te disent quoi que ce soit, tu les leur lis les deux histoires. Tu la leur sors la diagonale. On verra bien s'ils n'en veulent pas, de tes jouets. Fais ce que je te dis.