Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

Nom :
Lieu : France

05 juin 2006

Ce chanteur, quelle histoire

Petite il nous invite. A l'entendre chanter. Mardi soir si on veut. Mais qui donc papa? Pas lui, pas le chanteur? Mais si en personne. Ce chanteur que tu aimes, que tu voulais entendre. Il nous invite. Toute une histoire. Voici longtemps il a connu papi. Oui ton grand père. Comme on se retrouve. Il n'était pas chanteur. Il n'était pas connu. Et ton grand père le roi du monde il l'a croisé tout simplement. Sur les hauteurs là-haut, métro Ménilmontant. Quand on l'avait croisé une fois on ne l'oubliait pas. Un jour le livre est sorti. Sur un plateau télé il en entend parler. Et à la fin seulement il a dit je connais. Je sais qui c'est. Il m'a tenu le bras très ému David, m'a dit je sais qui c'est. Il les avait entendus, les mots de Belleville, les mots de l'admiration. Mon fils. Celui qui. Ecrit dans les journaux. Et parle à la télé. Tous ces mots des langues paternelles avaient fait leur chemin dans la tête du chanteur. Et y étaient restés au chaud, préservés toutes ces années. Il faut croire que c'est longue conservation.

On me l'a racontée l'émission. L'émotion du chanteur. Vraie ou fausse peu importe. Tu aurais bien aimé l'histoire, petit papa.

Toute une histoire ce chanteur. Alors je lui écris. En bafouillant un peu. Une vieille timidité avec les chanteurs. Je ne sais pas pourquoi. Ceux qui savent les mettre en voix les mots. Cette magie-là. Moi qui chante comme une casserole. Dans le livre tu verras je fais chanteur un peu, quand tu liras, un jour. Ou auteur, en tout cas, de chansons sans pardon. Quand tu liras. Donc une bafouille très bafouillante. Un vieux truc avec les chanteurs. Trop présents peut-être dans les langues paternelles, ils m'impressionnent je n'y peux rien je perds tous mes moyens. Bobino l'Olympia pour moi c'est carrément l'Olympe. Alors vous qui alors moi je. Très bafouillante. Et ma fille qui. Quoi? Tu as parlé de moi, papa? Evidemment c'est dans le livre. C'est ainsi. Nous retrouvons ici petite de très lointaines traces. De très lointains réflexes. Nous nous trouvons en face petite d'une faille spatio-temporelle. D'une spirale sans issue. Quoi tu lui as parlé de moi? Et on va aller dans sa loge après le concert. Dans sa loge? Eh ma foi. Dans sa loge pourquoi pas. Comme avec Guitry, la scène de la loge? On n'en sort pas décidément. Tu vas refaire Guitry papa? Maintenant que je vous ai vu, je voudrais mourir. Elles sont donc si bien incrustées en toi les langues paternelles? En tout cas il m'a répondu. A peu près dans les dix minutes, si tu veux savoir. Il était fier de vous, ça oui. La phrase mille fois entendue. Qui me poursuit encore. Il était fier de vous. Dans les dix minutes, si tu veux savoir. Ils se mèlent les mots, ils sautent et se mélangent, comme jamais.

9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

C'est délicieux. Absolument délicieux, le genre d'émerveillement qu'on savoure des jours d'affilée, mais j'ai quand même une question à vous poser, david : qu'est-ce qui vous pousse à nous dévoiler l'existence de cette faille spatio-temporelle ? C'est amusant, j'aurais juré que vous préféreriez garder ça pour vous. Avez-vous déjà tracé dans votre esprit toutes les frontières du blog ? Ou bien s'agit-il de frontières susceptibles de se modifier au gré des évènements ?

21:24  
Blogger Daniel Schneidermann said...

Bien sûr il y a des frontières Valentine. Mais c'est tellement tentant, de sauter par dessus les frontières. On dirait qu'elles sont faites pour ça, parfois. Je dis, je cache. Vous croyez savoir, mais que savez-vous? Qu'ai-je dévoilé vraiment? Vous croyez qu'il existe, ce chanteur? Allons donc. Autant que Guitry, que Ferré, dans les langues paternelles.

Dire, c'est cacher. Cacher, c'est dire. Je teste ce qui craque et ce qui résiste, comme dirait mon grand frère. Et j'aime vous voir réagir.

22:06  
Anonymous Anonyme said...

Donc c'est un chanteur qui n'existe pas. Mardi, à l'Olympia, ce ne serait pas Enrico Macias?
Judith

23:16  
Anonymous Anonyme said...

mais non,il fallait suivre...ce n'est pas Enrico mais B......mais Enrico ou B.....qu'est-ce que ça peut faire?.....l'important c'est que A....(ou L...pour les intimes),soit émerveillée d'aller l'entendre chanter, et ressente sans vraiment le maitriser un parfum de déjà vu....le concert, la scène de la loge...grâce à elle, grâce à lui,la boucle est bouclée et les langues paternelles suivent leur chemin et se fondent dans une spirale sans issue...c'est peut-être cela la transmission....Alors david, jusqu'à quand allez-vous écrire dans votre blog sans risquer de vous y faire aspirer? Préparez-nous un deuxième roman,avec tout autant d'intensité!!!!!Merci d'avance! Bernadette

09:34  
Blogger Daniel Schneidermann said...

Le roman ou le blog? Mais ce n'est pas moi qui décide, Bernadette. C'est Elle. Appelez-la comme vous voudrez, moi je ne suis que son petit secrétaire. Parfois Elle m'emmène par là-bas. Parfois Elle revient par ici. C'est qu'Elle est capricieuse. Parfois il Lui faut passer par ici, pour rebondir par là-bas. Allez y comprendre quelque chose.

J'ai visité dimanche la maison de Balzac à Saché, en Touraine. Ah c'était autre chose. Du solide, à l'époque. S'agissait pas qu'Elle renâcle. S'agissait pas qu'Elle fasse des mines. Du séculaire, c'était. Du permanent. Fallait les amortir, les voyages en patache, vingt et une heures depuis Paris. Pas une minute à perdre.

Mais rassurez-vous. Un deuxième est déjà bien avancé. Elle l'a voulu ainsi. Et un troisième s'ébauche. Il n'y a qu'à attendre.

10:19  
Anonymous Anonyme said...

Bruel?
Judith

10:23  
Anonymous Anonyme said...

Brel en prosopopée?
Judith

12:09  
Anonymous Anonyme said...

Dites, bon, je sais que ce n'est pas le sujet, mais vous nous pourrez nous dire si c'était bien ? Nan, parce que, je vais le voir en concert bientôt, moi zaussi.

Et heureuse de savoir qu'Elle vous dicte deux romans à venir....

12:39  
Anonymous Anonyme said...

Elle a raison Bernadette fallait suivre...
"Y'a des détails qui trompent pas".

Profite bien David, bientôt si tu parles les langues paternelles ou maternelles, tu ne pourras plus être Français. Il nous restera toujours la possibilité d'écrire sur la transmission.

14:13  

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