Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

Nom :
Lieu : France

04 juin 2006

Il faut que je vous dise...

...que tout s'effondre depuis les Langues paternelles. Bon, d'un côté, la femme qui se révèle, jour après jour, de l'autre, l'enfant qui se rebelle. Mais ça doit être lié, finalement.

Je craignais de voir mes parents, après les Langues paternelles. J'avais failli l'offrir à mon papa, et je m'étais ravisée, parce qu'il est juif, et pratiquant, et que je sais que vos propos sur le judaïsme lui brouilleraient la vue, c'est un peu dommage, mais c'est ainsi.
Il ne comprendrait pas ce que j'aimerais qu'il lise, que, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, la transmission se fait. La transmission, c'est tellement important pour un juif religieux. Et pour lui, même s'il ne le formule pas comme ça, je suis un peu une mécréante.

Il ne comprend pas, pas plus que ma mère, que je suis un peu d'eux, et que j'en suis heureuse.

Je savais, donc, que ça allait être compliqué. Sans trop pouvoir expliquer pourquoi. Ce fut pire que ça. Je passais donc le week end chez mes parents, Chabat oblige. Arrivée le vendredi soir, départ le dimanche juste après ASI (que je ne capte pas chez moi). Mais là, tout s'est accéléré. Pourtant, ça n'est pas venu de moi. Je ne leur ai rien dit de leurs langues à eux, de leurs mots violents. Mais c'est vrai qu'un rien m'a énervée, mise hors de moi. Encore trop de comptes à régler et pas envie de le faire. A quoi ça sert ?

Et puis, LE sujet qu'il ne faut pas aborder. "Il faut que tu te maries avec un juif". Vous savez, j'ai été élevée dans une foi très pure, ensuite, j'ai fait le tri, je n'ai pas tout jeté, ça m'a amusée, votre description de ce que c'est d'être juif, surtout quand vous répondiez sur votre blog à une femme de la WISO, quand vous dites, en somme, qu'être juif, c'est tout faire juif.

Bref, bref, je leur explique que ce n'est pas forcément une priorité pour moi, et là, mon père a eu ces paroles "tu t'en fiches de notre souffrance, alors ? tu ne pourrais pas être un peu plus gentille avec nous, et faire attention à nous ?".

Et alors là, ce qui m'aurait juste énervée d'habitude - parce que nous avons déjà eu ce débat mille fois - m'a mise hors de moi cette fois ci, j'ai crié, hurlé, pleuré, claqué la porte, parce que j'entendais votre mère vous dire d'être gentil avec votre père, j'entendais les cris de votre père, et je ne voulais pas de cela. Je préfère abandonner plutôt qu'être abandonnée, partir plutôt qu'être délaissée.

Alors, je suis partie.

Tout s'effondre. Ou peut-être se construit.

M-P

6 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Et votre souffrance, à vous, vos parents la perçoivent-ils, en ont-ils seulement conscience ? Nous avançons, vacillants, hésitants, attentifs à la douleur possible de notre entourage, à ne pas blesser, à ne pas déplaire. Concentrés sur cet objectif, nous pourrions faute de vigilance passer à côté de nos propres existences. Epargner nos proches, temporiser, et nous refuser le droit d’être nous-mêmes. Epargner nos proches et nous/leur mentir au fond, tout construire sur des bases tronquées, sans rébellion mais sans allégresse non plus, sans véritable passion, vaincus d’avance par le poids des convenances. Refuser, lutter, partir, c’est difficile évidemment, tout se brouille, les idées enseignées et nos propres réflexions. S’enfuir, c’est une question de survie, souvent. Malheureusement.

14:12  
Anonymous Anonyme said...

C'est toujours incroyable, tout le mal qu'on peut faire à ses enfants juste parce qu'on les aime, et qu'on voudrait faire leur bonheur malgré eux.

22:14  
Anonymous Anonyme said...

M-P, il semblerait que quelques branches sur lesquelles vous étiez posée s'effondrent..."vous êtes un peu d'eux", dites-vous...vous êtes de et vous allez vers...ça ressemble fort à de la construction....la transmission ne passe pas forcément par de la compassion, de l'autoflagellation,des carcans,mais par l'autonomie, le choix de prendre ou de laisser, la liberté...bravo M-P, vous êtes en train de vous envoler...Bon courage!!! Bernadette

22:59  
Anonymous Anonyme said...

Merci pour vos messages plein de sollicitude, j'y suis sensible. Mais je ne voudrais pas faire croire que mes parents sont des tortionnaires ou des égoïstes. Tout cela s'explique, je commence à le comprendre, même si je ne suis pas obligée d'y adhérer.

La seule question qui reste en suspens, c'est : comment les mots de David Serge ont-ils suscité cela ? Comment les mots peuvent-ils troubler à ce point ?

Merci à vous trois, en tous cas. Ne vous en faites pas pour moi. Sur un conseil avisé, je me construis une maison de mots, qui, elle aussi, me sauve.

M-P.

18:44  
Blogger Daniel Schneidermann said...

Normal MP c'est l'écriture la magie qui commence. Vous écrivez alors vos personnages prennent vie eux aussi. On y croit c'est la preuve qu'ils sont bien dessinés. Les croquis sont crédibles. Mais ce qu'elle dessine MP ce ne sont que des personnages. Eh vous les autres. Faut pas y croire. C'est une histoire qu'on vous raconte. Vraie ou fausse peu importe. On est dans l'écriture ici et pas à la télé. Elle se décolle MP. Elle a amorcé le décollage. Les procédures. Attachez vos ceintures. Ca ne fait que commencer.

08:07  
Anonymous Anonyme said...

Rassurez-vous M-P, loin de moi (et sans doute loin de nous tous), de penser que vos parents sont des égoistes!!!Ils vous aiment avec leurs certitudes, leurs mots, leur histoire....A vous de leur chanter d'autres paroles, de leur laisser entrevoir d'autres possibles....ah! la magie des mots...Bon vol !!!(oui, oui, David,on avait bien vu qu'on était pas à la télé!!) Bernadette

21:25  

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