Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

Nom :
Lieu : France

20 juin 2006

Les grands oiseaux du soir

Elles volent en escadrille parfois les nouvelles. Rien à faire se poser regarder. On regarde passer les grands oiseaux du soir, allègres et tragiques, leurs arabesques. David c'est dans Marianne. Une page entière. Votre ami Alain Rémond. Rappelez-moi. Oui mais. Pas le temps maintenant. Un rendez-vous avec le directeur. Bacs pros et bacs technos la différence. Juin c'est la saison. Posément expliqué. Très bien ce directeur. Bac pro c'est plus professionnel. Les tracteurs les tondeuses on part sur les chantiers. Bac techno plus abstrait plus scolaire. D'accord pour vous prendre dans les deux, mais. Un coup de collier cet été. T'as compris un coup de collier. Les yeux au ciel? J'y crois pas la dernière chance tu comprends ça? Et toi tu préfères quoi? Oui toi? C'est ton choix à toi. A toi. Plus le nôtre tu comprends? Bac pro c'est davantage mon truc. Pâmoison dans le bureau. Une de plus. Les internats de grande banlieue on va finir par les connaître tous. Avec les portraits de saints dans le bureau du directeur. Une scène dans la voiture bien entendu. Conduis on va pas en plus se payer l'accident. Les plate-bandes il faut bien des gens pour les planter. Bon. On en reparle. Marianne s'il vous plait. Une page entière. A peine tu ouvres le journal dernière page tu sais que tu vas être assommé. Alain. Tout y est. Enfin. Pas un mot de trop comme d'habitude. Léché comme d'habitude. Alain son père à lui. D'une douleur l'autre on se comprend. Neuf enfants la Bretagne. Pas la même écriture. On en parlé tous les deux. Pesé chaque mot Alain. Pas laissé déborder. Chacun son truc d'une douleur l'autre. Toute cette collection d'histoires lourdes. Alain sous son nom, lui. Un autre choix. Moi je pouvais pas. Vous en avez de la chance d'avoir des amis comme ça David. Je sais. Une très grande chance. Ca s'entretient comme un jardin. Toute une vie. On ne recommence pas. Replay y a pas. Et tout d'un coup. Papa c'est moi. Ah oui c'est aujourd'hui j'avais presque oublié. Alors? Papa. Papa sous-admissible. A Normalsupe. Voilà c'est tout sous-admissible. Les mots comme du miel. Mon chéri. Mon amour. Comme tu es fort. Arrête papa scolaire c'est tout. Mais non. Même pas. Car tout le reste aussi. Tu sais bien. Rien à dire. Seulement savourer le temps. Les jolis mois de juin. Cette diagonale implacable et douce qui s'inverse doucement au fil des ans. De l'adret à l'ubac la jolie diagonale. Ce bonheur-là les jours les plus longs de l'année. Finir l'article tout de même. Il raconte tout Alain. Directement à la jugulaire, comme d'habitude. Le livre jeté dans la pile. Et puis l'écho du Monde. Et là. J'étais comme pétrifié. Un choc comme l'Attrape-coeurs ou La vie devant soi. Salinger et Ajar. Tant qu'à faire ça me va davantage que Roth ou Kafka. Plus près de moi. L'attrape-coeurs un choc moi aussi. Une sorte de découragement. Bon alors plus la peine. Je n'arriverai jamais à ça. Ca. Cette sincérité-là. Ce torrent-là. OK petit David. Retourne jouer dans la cour avec les scribouillards. Et aujourd'hui voilà. Salinger, c'est écrit. Comme ils sont longs les soirs de juin. Reste à conclure. On a décidé de se revoir pour l'apéro. Alors tu as réfléchi? Bon ben ce sera bac techno. Puisque vous insistez. Tu as compris pourquoi? Tu sais toi-même pourquoi? Ces phrases qui sortent. Tremblant à peine. Fiévreuses à peine. Contenues tout de même. On ne va pas céder à l'éblouissement. Beaucoup plus calme n'est ce pas. Rien à voir. Hé l'écrivain t'es dans la vie la vraie, cette fois. Essaie de pas confondre. Ta dernière chance de sortir avec un diplôme du système éducatif. Je ne te porterai pas toute ma vie. Très calme très paternel. Les monstres tièdes sont dans le livre, cadenassés, la jolie ruse. Système éducatif. Ton choix à toi. Tes propres ailes un jour. Tes propres ailes comme les grands oiseaux des soirs de juin. Les plus longs de l'année.

PS: grâce à Patrice, providentiel comme toujours, l'article d'Alain Rémond est ici

4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ils sont longs les soirs de juin,David, mais tellement plus calmes...c'est relâche...comme après la tempête et juste avant le tsunami...tsunami des résultats, ouragan de discussions; comment, mais c'est bien toi qui a choisi la filière bac technique avec T.P. et tutti frutti...tu parles!!?...le cul sur une chaise pendant quatre heures...Jamais de solutions idéales David,jamais... Ah!choisir: n'est-ce pas un peu renoncer?... comment leur dire ces mots ? comment leur dire que les tondeuses ou une grande école, c'est chacun sa voie, et tant pis pour notre ego... comment leur dire qu'ils soient ouverts à la vie et aux rencontres... comment leur dire ces mots? L'équilibre est fragile; ne rien casser pendant ces longs soirs de juin où l'ambiance jongle entre la séreinité et la lourdeur qui précède l'orage...tiens,ils en ont tous oublié la fête des petits papas à la maison!! Signal?...moi j'ai regardé les étoiles et j'ai pensé à mon père...je crois bien avoir vu un ballon rouge au loin,loin,très loin... Bon,vivement Marianne, j'adooooore Alain Rémond !!!!!Bon vent à tous! Bernadette

08:55  
Anonymous Anonyme said...

Ben alors, david, c'est quoi ces infidélités que vous nous faites en allant racoler sur le BBB ? L'ami Rémond, oui, bien sûr, on l'aime tous, mais enfin, son article ne doit strictement rien à voir avec ASI, j'imagine ? Et vous nous aviez bien fait comprendre que DS, c'était ici, alors que DS, il restait là-bas, non ? Alors...Vous vouliez en remettre une couche et un lien, histoire de faire monter la courbe de fréquentation ?

Bon, ce n'est pas un ton très langues paternelles, tout ces mots. Mais ma foi, puisqu'il n'y a plus de frontières...

22:56  
Anonymous Anonyme said...

Comme ils sont longs et doux, les soirs de juin.
Comme ils sont longs et doux ces soirs où, alors qu'on se croyait à l'abri, - papa et moi, on s'adore, tout le monde le dit, d'ailleurs -, ces soirs où, au détour des Langues paternelles, on se découvre faible. Cette relation si simple, si naturelle, si évidente, a viré au précaire, au fragile.

Lire, relire ces langues-là jusqu'à ce qu'on entende les mots se fracasser dans la tête, en boucle. Et soudain, l'indicible qui s'était enfermé dans le silence trouve le chemin de la parole, des mots, et tant pis s'ils brûlent.

Comme ils sont longs et doux, ces soirs de juin où l'on a appris à vraiment aimer son père.

23:38  
Anonymous Anonyme said...

Humain Valentine que de vouloir faire monter la courbe de fréquentation......elles vous tiennent tellement aux tripes ces langues,elles font parties de lui, de nous, alors il veut tout faire partager,normal,humain.....d'autant plus quand l'amitié entre en jeu....et sur ce terrain là ,Alain a tiré le premier...comme un rachat personnel devant un public....bravo Alain,vous avez bien su réhabiliter David!!!
Bernadette

17:33  

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