L'identité masculine, ce continent trop souvent nié
Cher Monsieur,
Je viens de terminer la lecture de Les langues paternelles qui m'a laissé une impression saisissante. Bien qu'il ne s'agisse pas de ce genre de livre qui nécessite des commentaires, je me permets de vous écrire. Votre texte, en effet, par sa force, n'a besoin d'aucune forme d'écho. Sa propre existence est sa légitimité même. Son intelligence m'a renvoyé à un autre texte paru lui aussi chez Robert Laffont, La mauvaise vie de Frédéric Mitterrand. Dois-je dire que j'ai trouvé à la situation de ce fils-père à la recherche des langues qu'il ne parle pas, une proximité plus grande ? Une plus grande universalité.
Il me semble que votre texte ouvre sur différents abîmes souvent dérangeants, et que c'est là un signe de son importance. Au terme de toute lecture, je me pose souvent la question de savoir si le livre que je referme était nécessaire à son auteur. Si la réponse est positive, il me semble qu'il y a de fortes chances pour qu'il l'ait été à moi-même. Dans le cas de Les langues paternelles, le doute n'est pas permis. En vous mettant ainsi en danger, vous touchez tous les êtres qui s'interrogent sur le mystère de la paternité. Vous posez également, de manière très originale aujourd'hui, la question de l'identité masculine, ce continent trop souvent nié au profit d'un intérêt exclusif de l'époque pour le monde féminin. Il m'est alors venu à l'esprit que ce désordre familial que vous dénoncez originellement, si grand que vous consacrez une grande part de votre vie à tenter d'accéder à la "religion des vérandas", est à la source même de ce que vous êtes. J'ai cru comprendre, en effet, que vous étiez parolier, directeur artistique... Je veux dire par là que ce qui fait la dimension principale de votre existence, la poésie, l'écriture, nait de cette douleur, de cette précarité, de ces failles qui vous ont blessé. Et l'on se trouve, grâce à votre texte, confronté intimement à ce paradoxe que l'on connaît pour peu de l'éprouver, à savoir que ce sont nos blessures qui nous construisent dans notre dimension de créateur.
Je tenais à vous dire très simplement et sans grand souci de la forme, à quel point votre démarche d'écriture m'avait frappé.
Très amicalement,
Jean-Guy Soumy
Je viens de terminer la lecture de Les langues paternelles qui m'a laissé une impression saisissante. Bien qu'il ne s'agisse pas de ce genre de livre qui nécessite des commentaires, je me permets de vous écrire. Votre texte, en effet, par sa force, n'a besoin d'aucune forme d'écho. Sa propre existence est sa légitimité même. Son intelligence m'a renvoyé à un autre texte paru lui aussi chez Robert Laffont, La mauvaise vie de Frédéric Mitterrand. Dois-je dire que j'ai trouvé à la situation de ce fils-père à la recherche des langues qu'il ne parle pas, une proximité plus grande ? Une plus grande universalité.
Il me semble que votre texte ouvre sur différents abîmes souvent dérangeants, et que c'est là un signe de son importance. Au terme de toute lecture, je me pose souvent la question de savoir si le livre que je referme était nécessaire à son auteur. Si la réponse est positive, il me semble qu'il y a de fortes chances pour qu'il l'ait été à moi-même. Dans le cas de Les langues paternelles, le doute n'est pas permis. En vous mettant ainsi en danger, vous touchez tous les êtres qui s'interrogent sur le mystère de la paternité. Vous posez également, de manière très originale aujourd'hui, la question de l'identité masculine, ce continent trop souvent nié au profit d'un intérêt exclusif de l'époque pour le monde féminin. Il m'est alors venu à l'esprit que ce désordre familial que vous dénoncez originellement, si grand que vous consacrez une grande part de votre vie à tenter d'accéder à la "religion des vérandas", est à la source même de ce que vous êtes. J'ai cru comprendre, en effet, que vous étiez parolier, directeur artistique... Je veux dire par là que ce qui fait la dimension principale de votre existence, la poésie, l'écriture, nait de cette douleur, de cette précarité, de ces failles qui vous ont blessé. Et l'on se trouve, grâce à votre texte, confronté intimement à ce paradoxe que l'on connaît pour peu de l'éprouver, à savoir que ce sont nos blessures qui nous construisent dans notre dimension de créateur.
Je tenais à vous dire très simplement et sans grand souci de la forme, à quel point votre démarche d'écriture m'avait frappé.
Très amicalement,
Jean-Guy Soumy
3 Comments:
Je suis heureux de votre réaction, Jean-Guy, car oui, il y a de l'angoisse, dans le texte. De l'angoisse pour ce continent en ruines, en miettes, cette nuit parcourue de corbeaux, qu'on appelle la condition paternelle (plutôt que l'identité masculine). Elle n'a plus de règles, cette condition. On lui a pris ses mots et ses repères. Elle n'est plus nulle part. Oui j'ai voulu dire des choses comme ça.
Mais ce n'est pas un essai, c'est un récit. Alors ça passe par le personnage de David (qui n'est pas l'auteur David Serge, et encore moins la personne qui se cache sous ce pseudo). Mais ce qui passe à travers ce personnage, ce n'est pas seulement le constat d'une négation. C'est une angoisse pour le devenir du continent. Je suis heureux que vous l'ayez senti.
A propos des continents.
Continent. C'est vaste un continent. C'a toujours été là. Sauf la dérive bien entendu. Comme l'arrondi de l'Afrique épouse celui de l'Amérique du Sud c'est vertigneux. Surtout pour la suite, imaginer la carte dans quelques millénaires ça fout le vertige. Rien d'immuable. Qu'est-ce que tu croyais? Les hommes les femmes le masculin le féminin qu'est-ce que tu croyais? Que c'était posé là comme les montagnes, que ça ne bougerait pas? Mais même les montagnes. Tous les géologues te le diront.
Des millénaires peut-être. On aimerait tant. Sauf que Jean-Guy j'ai l'impression que ça s'accélère. Comme pour le réchauffement. Une sorte d'emballement soudain. Cette tranquillité de quelques millénaires et soudain ça fond de partout. Et soudain c'est incontrôlable.
Avertissement au lecteur : Cette lettre est écrite en langues paternelles par un admirateur de David, héros du récit de David Serge.
L'auteur est débutant en langues paternelles (niveau maternel).
Il prie les familiers et familières des langues paternelles
de bien vouloir l'aider à se pèrefectionner.
Pèreorade, le 27 février 2006
Cher David, cher pair (car c'est en père que je vous écris),
Permettez-moi de pérorer un moment sur votre pertinente pèrequisition du père.
Repéré très tôt, comme vous, avec un cœur de pière, je suis, un perturbé des langues paternelles.
Première perturbation : j' ai bégayé toute mon enfance. Je t'avais, Papa… pas trouvé. A 15 ans, j'ai perdu mon latin et les pères avec. J'étais en perdition. Je voulais apprendre une langue vivante : la langue de bois de mon père. C'était permis d'y croire, il était charpentier. Un homme en mal de fils m'a alors kidnappé et envoyé à perpette. Il m'a perverti en me prescrivant d'apprendre une autre langue de bois, celle des facultés, celle qui perdure.
Aujourd'hui, malgré la persistante impertinence de mes fils (personne pour la percolation qui m'aurait perpétuer en fille), je persévère au risque de perpétrer impairs sur impairs.
Je voulais être un repère pour mes fils. Je suis devenu un repaire de perturbations. Mais je persiste, imperturbable. C'est mieux que de périr.
Si, perdus sur la toile, mes fils venaient à lire votre blog, plaise à notre Père qu'ils percutent enfin que je leur demande pèrdon, euh… pardon. Je m'y perds.
Serge L. (L comme Lacan, qui, comme chacun sait, fût un grand expère en négationnisme de la paternité. N'a-t-il pas écrit le "non du Père" !?)
PS savant : David fût le père de Salomon, lointain père de Joseph, lui-même chef de la famille recomposée la plus célèbre au monde. Cela ne fait qu'alourdir l'insoutenable pesanteur de l'être-père (situation pas franchement pépère).
PS2 : Une idée de parrainage pour la diffusion de votre livre : les vérandas Lapeyre, à moins que vous ne préfériez les pergolas!
PS3 : Au risque de vous exaspérer, sachez, cher sujet qui se cache derrière David Serge (qui n'est peut-être pas… peut-être pas tout à fait… David, le héros de votre récit), que, par votre livre, vous êtes devenu un pair pour moi. Merci donc de ne pas vous sentir persécuté.
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