Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

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Lieu : France

14 février 2006

Soir 3

Ca devrait toujours se passer comme ça. Ca devrait toujours avoir cette innocence. Ca commence dans une petite librairie de quartier, un samedi de grisaille. Ils cherchent des livres pour les enfants. Elle tombe sur les Langues paternelles. Ils achètent le livre. Elle le lit. Elle le lui passe. Il aime aussi. Il travaille à la télé. Il en parle à son travail. Et la présentatrice en dit un mot le soir au journal de la nuit. En lisant la bande bleue. C'est pas grand chose un père. C'est trop dur ou trop tendre. Tu parles d'une statue. Enfin ça ne va jamais. Ces phrases-là, vous savez.

La voix qui dit tous les soirs les nouvelles, la voix qui pose les questions aux ministres, la voix si bien timbrée, la voix toujours juste, la voix qui jamais ne tremble, l'entendre prononcer ces phrases-là. Savoir d'où elles viennent, ces phrases-là, d'où elles remontent avec tant de peine, de quels fonds elles sont hissées, et les entendre dites par cette voix-là. Attendre qu'elle tremble, juste un peu, la voix. Tremblera-t-elle? Et puis ne pas savoir si même elle a tremblé. Ne pas savoir. Il est passé, le grand navire.