Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

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Lieu : France

25 juin 2006

A la noce

Mais oui j'étais à la noce maman. Il faut dire que j'étais père putatif. Ca donne un statut, et quelques obligations. Un peu mieux que parrain quelque chose d'unique du sur-mesure c'est elle qui a inventé ça. On était deux pères putatifs. Son patron et son éditeur deux papas rien que pour elle. Pas peu fiers les papas d'avoir été choisis même si ça donne un sérieux coup de vieux. Un jour ou l'autre il faut bien faire le saut. Les papas qu'on choisit ce sont les plus fébriles. Et une mère putative. Elle l'avait décidé ainsi. Tu fais quoi samedi soir? Je m'en vais au mariage de ma fille putative maman. Elle l'a décidé sans rien dire à personne en tout cas aux intéressés elle est ainsi et c'est ainsi qu'on l'aime. Les enfants rien à dire on les prend comme ils sont. C'est quelques jours avant que j'ai appris. Il parait que tu es père putatif? Voilà. Exactement. Et pas peu fier.

Les mariages j'ai l'habitude mais pour la première fois je mariais ma fille. Un sérieux coup de vieux. Quelques années d'avance. Pas grave j'ai toujours aimé être en avance. Et puis ça donne un avant-goût. A quoi s'attendre. Putativement émouvant il faut bien dire. La mariée était en rouge le marié en damier. Et quand l'adjointe a lu les articles du code une larme a perlé. Se doivent secours et assistance pas pu faire autrement. Il ne faut pas imaginer qu'un papa soit forcément immunisé. Ca peut avoir sous le costume quelques légères cicatrices un papa putatif. Ne pas gratter ça saigne encore parfois. La mariée était en rouge avec ses deux paquets de blondes et sa trousse à chichon. Le marié a bien de la chance il a un vrai papa secrétaire de section qui laisse parler tout le monde même celles qui n'aiment pas Ségolène. On est tombés d'accord des papas raisonnables. Et puis la noce s'est transportée dans un jardin du Val de Marne. Comme un Renoir maman, plein de martiens dedans. J'en ai pris deux dans ma voiture je savais bien qu'ils noteraient la clime. La clime dans la voiture c'est un truc de papa. Un truc d'ennemi de classe. Un pays étranger. D'un papa comme les autres ou presque après quelques errances. Evidemment vous Msieur avec la clime. Mais oui les enfants. Et la sécurité enfants à l'arrière si vous voulez savoir. Pas comme moi Msieur avec mon tas de boue. Mais oui les enfants. Mais oui vous y viendrez. Les petits martiens se sont disséminés sous les tonnelles. Comme toutes les noces peut-être un beau Renoir avec des rouges et des noirs mais un Renoir. Les petits ont commencé cul c'était une table de djeunz mais assagis très vite. Très vite on a viré sur Jean Moulin et Marine Le Pen et le piano qui sauve dans les camps. Et moi sous la torture est-ce que j'aurais parlé? Des sujets de mariage enfin maman. Divisées par la clime les générations se sont retrouvées sur Primo Levi. C'est beau une famille le soir sous la tonnelle. Deux papas à la même table il faut croire que ça calme les ardeurs. Ce concentré de pères. Ca devait fumer sec sous la tonnelle. Ca fait longtemps maman que je n'avais pas eu à refuser un joint. Ils ont été très tolérants pas de sarcasmes il faut croire que père putatif ça donne des droits. Mais non voyons papa ne fume pas les enfants. Vous avez arrêté? Pire, jamais essayé vraiment. Mais si voyons les enfants ça existe. Ne pas moquer papa vous serez bien gentils. Les deux pères putatifs ont conquis la tonnelle ils se sont découverts comme dans les vrais mariages. L'autre est bien sympathique elle a bon goût. Des gouffres évidemment ce qu'il faut de questions sans réponse quelques abîmes du côté de Copenhague mais si légers sous la tonnelle. Et puis les silences ont du bon. Pour le secret des Langues paternelles par exemple. Il le savait l'autre papa. Et n'a rien dit même à madame. Etre père c'est savoir conserver les secrets de famille. Pire encore, aimer ça. Le livre je l'ai raconté à ma voisine une pianiste assez émouvante qui aurait survécu dans les camps et a posé les bonnes questions. Assez en avance pour son âge la petite. Ce que ça grandit vite tout de même. Après ça Msieur vous pensez que je le comprendrai mieux mon chéri? Bien entendu petite. Comme si tu l'avais fait. Alors je vais lire Msieur. Après je ne m'en souviens plus le champagne coulait j'ai dû dire des bêtises raisonnablement comme un père putatif au mariage de sa fille. Et qui n'est pas peu fier. Ce qui est pire encore.

22 juin 2006

Avoir sû parler de ce qui court sous ma peau

Des mots stupéfiants d'Antoine, sur le blog de Tetanos, pour évoquer Les langues paternelles. Dans le balancement permanent de votre texte, dans cette cadence enragée, Antoine, je retrouve l'écho de mes phrases à moi. L'expérience décidément est sans fin, de ces mots qui répondent à d'autres, et les prolongent.

20 juin 2006

Les grands oiseaux du soir

Elles volent en escadrille parfois les nouvelles. Rien à faire se poser regarder. On regarde passer les grands oiseaux du soir, allègres et tragiques, leurs arabesques. David c'est dans Marianne. Une page entière. Votre ami Alain Rémond. Rappelez-moi. Oui mais. Pas le temps maintenant. Un rendez-vous avec le directeur. Bacs pros et bacs technos la différence. Juin c'est la saison. Posément expliqué. Très bien ce directeur. Bac pro c'est plus professionnel. Les tracteurs les tondeuses on part sur les chantiers. Bac techno plus abstrait plus scolaire. D'accord pour vous prendre dans les deux, mais. Un coup de collier cet été. T'as compris un coup de collier. Les yeux au ciel? J'y crois pas la dernière chance tu comprends ça? Et toi tu préfères quoi? Oui toi? C'est ton choix à toi. A toi. Plus le nôtre tu comprends? Bac pro c'est davantage mon truc. Pâmoison dans le bureau. Une de plus. Les internats de grande banlieue on va finir par les connaître tous. Avec les portraits de saints dans le bureau du directeur. Une scène dans la voiture bien entendu. Conduis on va pas en plus se payer l'accident. Les plate-bandes il faut bien des gens pour les planter. Bon. On en reparle. Marianne s'il vous plait. Une page entière. A peine tu ouvres le journal dernière page tu sais que tu vas être assommé. Alain. Tout y est. Enfin. Pas un mot de trop comme d'habitude. Léché comme d'habitude. Alain son père à lui. D'une douleur l'autre on se comprend. Neuf enfants la Bretagne. Pas la même écriture. On en parlé tous les deux. Pesé chaque mot Alain. Pas laissé déborder. Chacun son truc d'une douleur l'autre. Toute cette collection d'histoires lourdes. Alain sous son nom, lui. Un autre choix. Moi je pouvais pas. Vous en avez de la chance d'avoir des amis comme ça David. Je sais. Une très grande chance. Ca s'entretient comme un jardin. Toute une vie. On ne recommence pas. Replay y a pas. Et tout d'un coup. Papa c'est moi. Ah oui c'est aujourd'hui j'avais presque oublié. Alors? Papa. Papa sous-admissible. A Normalsupe. Voilà c'est tout sous-admissible. Les mots comme du miel. Mon chéri. Mon amour. Comme tu es fort. Arrête papa scolaire c'est tout. Mais non. Même pas. Car tout le reste aussi. Tu sais bien. Rien à dire. Seulement savourer le temps. Les jolis mois de juin. Cette diagonale implacable et douce qui s'inverse doucement au fil des ans. De l'adret à l'ubac la jolie diagonale. Ce bonheur-là les jours les plus longs de l'année. Finir l'article tout de même. Il raconte tout Alain. Directement à la jugulaire, comme d'habitude. Le livre jeté dans la pile. Et puis l'écho du Monde. Et là. J'étais comme pétrifié. Un choc comme l'Attrape-coeurs ou La vie devant soi. Salinger et Ajar. Tant qu'à faire ça me va davantage que Roth ou Kafka. Plus près de moi. L'attrape-coeurs un choc moi aussi. Une sorte de découragement. Bon alors plus la peine. Je n'arriverai jamais à ça. Ca. Cette sincérité-là. Ce torrent-là. OK petit David. Retourne jouer dans la cour avec les scribouillards. Et aujourd'hui voilà. Salinger, c'est écrit. Comme ils sont longs les soirs de juin. Reste à conclure. On a décidé de se revoir pour l'apéro. Alors tu as réfléchi? Bon ben ce sera bac techno. Puisque vous insistez. Tu as compris pourquoi? Tu sais toi-même pourquoi? Ces phrases qui sortent. Tremblant à peine. Fiévreuses à peine. Contenues tout de même. On ne va pas céder à l'éblouissement. Beaucoup plus calme n'est ce pas. Rien à voir. Hé l'écrivain t'es dans la vie la vraie, cette fois. Essaie de pas confondre. Ta dernière chance de sortir avec un diplôme du système éducatif. Je ne te porterai pas toute ma vie. Très calme très paternel. Les monstres tièdes sont dans le livre, cadenassés, la jolie ruse. Système éducatif. Ton choix à toi. Tes propres ailes un jour. Tes propres ailes comme les grands oiseaux des soirs de juin. Les plus longs de l'année.

PS: grâce à Patrice, providentiel comme toujours, l'article d'Alain Rémond est ici

13 juin 2006

Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n'avez rien

Ce n'est pas de moi, ce n'est pas une chanson à n'y rien comprendre, c'est de Celine, grand auteur lui aussi, il est vrai, de chansons à n'y rien comprendre.

C'est Tetanos qui cite Céline, à propos des Langues paternelles.

David Serge dépasse les enjeux purement littéraires, ou plutôt, les rend nécessaires, utiles. Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n’avez rien. Il faut payer ! disait Céline, dans ses entretiens à Louis Pauwels et André Brissaud en 1959, Céline qui en dépit de ses accointances puantes, n’en demeure pas moins un des plus grands stylistes de la littérature française : David Serge paye, il nous offre des pages stylisées, investies, sincères, mais surtout, il nous livre un texte qui parie sur le registre émotionnel autant que littéraire, sans tomber dans la caricature ou la mièvrerie.

La critique entière est ici.

10 juin 2006

Mes chansons à n'y rien comprendre

Vous n'y comprenez rien parfois à mes chansons d'ici. Je le sais bien. Rien de rien. Ah vous surfez tranquilles parfois vous arrivez de chez Daniel là-haut. Et patatras. Qu'est ce qu'il nous chante celui-là?

Ces chansons-là que je vous chante ici sont à n'y rien comprendre. Ce sont celles-là je n'y peux rien que je pourrais poursuivre jusqu'au bout de la terre.

Ces chansons-là qui me poursuivent que je poursuis ces chansons-là sont celles que je n'ai pas comprises et qui ne sont jamais passées. Les seules chansons qui vaillent, celles qui se gravent dans la tête des petits et qui y restent s'y incrustent, sont celles qu'on ne comprend pas. Avec leurs hautes paroles massives, de vraies armoires normandes. Ce sont celles-là que j'aimerais écrire un jour. Des chansons qui sortent de nulle part et ne vont nulle part et ne demandent rien d'autre que d'être des chansons. J'ai vu passer le train. De bon matin. Pourquoi de bon matin? Tu t'étais levé tôt ce matin? Une insomnie peut-être. Papa c'était un lapin. Qui s'appelait JB Chopin. Pourquoi JB Chopin? Dis-nous donc, Aristide. Allez accouche Bruant. Raconte.

C'est toujours sans le savoir sans le vouloir qu'on brouille les pistes. Pour des raisons idiotes parfois, pour la rime ou le nombre de pieds, ou un pari stupide. C'est quand les mots sont convoqués pour des raisons idiotes avec une flûte de mirliton, c'est bien à ce moment qu'ils crachent tout leur jus, et deviennent vraiment intéressants. Mais le petit jules était de la tierce. Qui soutient la gerce. Tiens par exemple. Devant la cheminée. Imaginez la scène. Petit David tout petit devant ces personnages. Le petit jules était de la tierce. Voyant qu'a marchait pas au pantre. D'un coup de surin lui troua le ventre. Ca rigole pas rue Saint Vincent sur la rive droite. Ca rigole pas le pantre. Alors que finalement si c'était seulement pour la rime avec ventre? Ce sont ces mots qui restent, pourquoi ceux-là? Ou bien encore tenez finalement finalement, deux adverbes jumeaux hauts comme des falaises qui me reviennent cette semaine. Finalement finalement. Pour être vieux sans êtres adultes. Pourquoi ces mots-là et pas d'autres? Années soixante je l'entends à la radio de vava sur la cheminée cette chanson finalement finalement. Avec ces deux adverbes plus hauts que toutes les flêches de toutes les cathédrales. Ces mots qui pour toujours indiquent quelque chose qui ressemble tellement à une direction.

Et si vous me disiez les vôtres? Vos chansons à n'y rien comprendre et qui pourtant ne sont jamais passées.

07 juin 2006

Le chanteur rebondissant

Une balle rebondissante. Puisqu'il faut bien raconter le concert évidemment. Une balle rebondissante, c'est elle qui me revient.

Tu te souviens papa dans le jardin? Tu te souviens la blaqueboule? Tu te souviens des engueulades? Un jour sont arrivées au magasin de jouets les balles rebondissantes. Des grosses boules noires très dures très noires. Totalement teigneuses. Sans concession aucune. Qui bondissaient partout. Qui montaient jusqu'au ciel. C'est une balle rebondissante ce chanteur petit papa. Touche pas à ma blaqueboule laisse la griffer le ciel. T'as pas vu ma blaqueboule? Ah zut encore en perdition sur la terrasse du cinquième. Cette fois c'est pas moi qui vais la rechercher. T'y vas toi-même ça t'apprendra tu dis pardon madame mais je crois que.

Il rebondit partout ce chanteur-là. A peine entré sur scène il est déjà parti griffer le toit du chapiteau. Pendant deux heures quelle santé. Faudra rembourrer le toit la prochaine fois. Ou jouer en plein air. C'est physique la chanson. Comme l'écriture on dirait pas. Mais arrêtez-le donc c'est pas les championnats d'athlétisme quand même. On ne sait d'où il vient où il va rebondir. Une balle rebondissante pendant deux heures. L'univers il l'explore il cherche ses limites. Mais qui a donc rangé les limites de l'univers? Ah oui dans le buffet de la cuisine avec la yaourtière. Il aime bien les maisons c'est sûr ce chanteur-là et les jardins et les cuisines et les petits mots aimantés sur les frigos. Et les bébés. Toute la vie calme des terriens. Pense à prendre le lait. N'oublie pas le pédiâtre. A ce soir. Qui chantera les petits coeurs sur les frigos? Tous ces instants tous ces regards ces chuchotements qui savent la calmer la blaqueboule. Il l'a trop descendue petit cette rue Oberkampf. Ca rebondit de la cuisine aux intergalaxies. Tu aurais aimé c'est sûr. Tu m'en aurais parlé. Tu sais pas qui j'ai rencontré David? Le chanteur qui. Le chanteur rebondissant. Il y a du Bécaud, du Trénet, du Montand. Du Brel, une larme pas davantage, au coin d'une fanfare. Tous les pièges mortels du quotidien pour l'instant c'est par le rire qu'il les désarme. Mais où tu vas rebondir comme ça? Il ne sait pas encore il n'en est qu'au début. Assez allègre dans l'ensemble. La douleur dans l'ensemble est assez peu présente, une larme pas davantage. On les guette les écorchures. Bien cachées pour l'instant. Trentenaire c'est sympa plein de jolies couleurs. Des souvenirs d'enfance juste ce qu'il faut. Des VIP à la marelle. Des petites filles qui pleurent, une larme pas davantage.

Et puis.

Et puis il y a la porte. Un peu fermée encore, ou à peine entrouverte. La porte des mots magiques qu'il ouvrira un jour. Entrouverte déjà. Des aperçus bien entendus, mais timides encore. Ma sardine ma sardaigne. Mon sagouin mon trois fois rien. Ma petite fouine ma petite teigne. Il est devant la porte le chanteur. Merci qui? Merci mon chien. Il hésite à ouvrir elle est lourde la porte de ces langues-là qu'il faut bien retrouver un jour puisque les portes elles seules savent les ouvrir. Et une fois qu'on l'a passée salut les potes c'est l'aventure, c'est l'armée de l'air. Mais aucune importance. Il ouvrira un jour et blaqueboulera tout.

05 juin 2006

Ce chanteur, quelle histoire

Petite il nous invite. A l'entendre chanter. Mardi soir si on veut. Mais qui donc papa? Pas lui, pas le chanteur? Mais si en personne. Ce chanteur que tu aimes, que tu voulais entendre. Il nous invite. Toute une histoire. Voici longtemps il a connu papi. Oui ton grand père. Comme on se retrouve. Il n'était pas chanteur. Il n'était pas connu. Et ton grand père le roi du monde il l'a croisé tout simplement. Sur les hauteurs là-haut, métro Ménilmontant. Quand on l'avait croisé une fois on ne l'oubliait pas. Un jour le livre est sorti. Sur un plateau télé il en entend parler. Et à la fin seulement il a dit je connais. Je sais qui c'est. Il m'a tenu le bras très ému David, m'a dit je sais qui c'est. Il les avait entendus, les mots de Belleville, les mots de l'admiration. Mon fils. Celui qui. Ecrit dans les journaux. Et parle à la télé. Tous ces mots des langues paternelles avaient fait leur chemin dans la tête du chanteur. Et y étaient restés au chaud, préservés toutes ces années. Il faut croire que c'est longue conservation.

On me l'a racontée l'émission. L'émotion du chanteur. Vraie ou fausse peu importe. Tu aurais bien aimé l'histoire, petit papa.

Toute une histoire ce chanteur. Alors je lui écris. En bafouillant un peu. Une vieille timidité avec les chanteurs. Je ne sais pas pourquoi. Ceux qui savent les mettre en voix les mots. Cette magie-là. Moi qui chante comme une casserole. Dans le livre tu verras je fais chanteur un peu, quand tu liras, un jour. Ou auteur, en tout cas, de chansons sans pardon. Quand tu liras. Donc une bafouille très bafouillante. Un vieux truc avec les chanteurs. Trop présents peut-être dans les langues paternelles, ils m'impressionnent je n'y peux rien je perds tous mes moyens. Bobino l'Olympia pour moi c'est carrément l'Olympe. Alors vous qui alors moi je. Très bafouillante. Et ma fille qui. Quoi? Tu as parlé de moi, papa? Evidemment c'est dans le livre. C'est ainsi. Nous retrouvons ici petite de très lointaines traces. De très lointains réflexes. Nous nous trouvons en face petite d'une faille spatio-temporelle. D'une spirale sans issue. Quoi tu lui as parlé de moi? Et on va aller dans sa loge après le concert. Dans sa loge? Eh ma foi. Dans sa loge pourquoi pas. Comme avec Guitry, la scène de la loge? On n'en sort pas décidément. Tu vas refaire Guitry papa? Maintenant que je vous ai vu, je voudrais mourir. Elles sont donc si bien incrustées en toi les langues paternelles? En tout cas il m'a répondu. A peu près dans les dix minutes, si tu veux savoir. Il était fier de vous, ça oui. La phrase mille fois entendue. Qui me poursuit encore. Il était fier de vous. Dans les dix minutes, si tu veux savoir. Ils se mèlent les mots, ils sautent et se mélangent, comme jamais.

04 juin 2006

Il faut que je vous dise...

...que tout s'effondre depuis les Langues paternelles. Bon, d'un côté, la femme qui se révèle, jour après jour, de l'autre, l'enfant qui se rebelle. Mais ça doit être lié, finalement.

Je craignais de voir mes parents, après les Langues paternelles. J'avais failli l'offrir à mon papa, et je m'étais ravisée, parce qu'il est juif, et pratiquant, et que je sais que vos propos sur le judaïsme lui brouilleraient la vue, c'est un peu dommage, mais c'est ainsi.
Il ne comprendrait pas ce que j'aimerais qu'il lise, que, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, la transmission se fait. La transmission, c'est tellement important pour un juif religieux. Et pour lui, même s'il ne le formule pas comme ça, je suis un peu une mécréante.

Il ne comprend pas, pas plus que ma mère, que je suis un peu d'eux, et que j'en suis heureuse.

Je savais, donc, que ça allait être compliqué. Sans trop pouvoir expliquer pourquoi. Ce fut pire que ça. Je passais donc le week end chez mes parents, Chabat oblige. Arrivée le vendredi soir, départ le dimanche juste après ASI (que je ne capte pas chez moi). Mais là, tout s'est accéléré. Pourtant, ça n'est pas venu de moi. Je ne leur ai rien dit de leurs langues à eux, de leurs mots violents. Mais c'est vrai qu'un rien m'a énervée, mise hors de moi. Encore trop de comptes à régler et pas envie de le faire. A quoi ça sert ?

Et puis, LE sujet qu'il ne faut pas aborder. "Il faut que tu te maries avec un juif". Vous savez, j'ai été élevée dans une foi très pure, ensuite, j'ai fait le tri, je n'ai pas tout jeté, ça m'a amusée, votre description de ce que c'est d'être juif, surtout quand vous répondiez sur votre blog à une femme de la WISO, quand vous dites, en somme, qu'être juif, c'est tout faire juif.

Bref, bref, je leur explique que ce n'est pas forcément une priorité pour moi, et là, mon père a eu ces paroles "tu t'en fiches de notre souffrance, alors ? tu ne pourrais pas être un peu plus gentille avec nous, et faire attention à nous ?".

Et alors là, ce qui m'aurait juste énervée d'habitude - parce que nous avons déjà eu ce débat mille fois - m'a mise hors de moi cette fois ci, j'ai crié, hurlé, pleuré, claqué la porte, parce que j'entendais votre mère vous dire d'être gentil avec votre père, j'entendais les cris de votre père, et je ne voulais pas de cela. Je préfère abandonner plutôt qu'être abandonnée, partir plutôt qu'être délaissée.

Alors, je suis partie.

Tout s'effondre. Ou peut-être se construit.

M-P

03 juin 2006

LCI et les "petits miracles de l'édition"

Avec un peu de retard, Patrice m'envoie une critique des Langues paternelles, diffusée sur LCI le 8 février dernier. Ca fait toujours plaisir.

01 juin 2006

Chercher la jugulaire

Comment vous les reconnaissez, les mots qui brûlent? me demande Marie-Paule. Mais si vous savez bien Marie-Paule, celle qui nous parle du Daniel de Potok, juste en dessous.

Comment on les reconnait, les mots qui brûlent?

C'est simple Marie-Paule. Le mot me vient tout seul. On cherche la jugulaire. Et on frappe à la jugulaire. Là où ça coupe le souffle. Là où on ne se relève pas. On ne s'embarrasse pas de règles. On n'a pas de prudence. On frappe à la jugulaire. Ce qui se passera ensuite on s'en fout. Il sera bien temps, ensuite, de finasser, de réparer. Mais on cherche la jugulaire. Ce n'est pas si difficile, une fois qu'on a pris le pli. A condition d'avoir le souffle.

Ce n'est pas de moi, la jugulaire. C'est de Joyce Carol Oates. Découverte récemment, et lue il y a quelques jours. J'aurais dû la découvrir plus tôt. Je vais refaire mon retard. Mais en y revenant, c'est ainsi qu'elles se sont écrites, Les langues paternelles. A la recherche de la jugulaire.