Les langues paternelles

Il est sorti le livre. En janvier. Il est là. Je les entends déjà, les pauvres langues paternelles. Tu en as encore fait de belles, mon fils. C'est quoi ce livre? Ca parle de moi? Je le savais, que tu y viendrais. Mais ce masque, là, ça rime à quoi? Tu ne te trouves pas assez beau, c'est ça? Ou alors je te fais honte? Mais non papa. D'abord tu es mort. C'est par rapport aux enfants. Je. Bon. C'est vrai que c'est une situation impossible papa. Ca ne m'étonne pas mon fils. Tu tiens de moi.

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Lieu : France

22 février 2006

L'identité masculine, ce continent trop souvent nié

Cher Monsieur,

Je viens de terminer la lecture de Les langues paternelles qui m'a laissé une impression saisissante. Bien qu'il ne s'agisse pas de ce genre de livre qui nécessite des commentaires, je me permets de vous écrire. Votre texte, en effet, par sa force, n'a besoin d'aucune forme d'écho. Sa propre existence est sa légitimité même. Son intelligence m'a renvoyé à un autre texte paru lui aussi chez Robert Laffont, La mauvaise vie de Frédéric Mitterrand. Dois-je dire que j'ai trouvé à la situation de ce fils-père à la recherche des langues qu'il ne parle pas, une proximité plus grande ? Une plus grande universalité.

Il me semble que votre texte ouvre sur différents abîmes souvent dérangeants, et que c'est là un signe de son importance. Au terme de toute lecture, je me pose souvent la question de savoir si le livre que je referme était nécessaire à son auteur. Si la réponse est positive, il me semble qu'il y a de fortes chances pour qu'il l'ait été à moi-même. Dans le cas de Les langues paternelles, le doute n'est pas permis. En vous mettant ainsi en danger, vous touchez tous les êtres qui s'interrogent sur le mystère de la paternité. Vous posez également, de manière très originale aujourd'hui, la question de l'identité masculine, ce continent trop souvent nié au profit d'un intérêt exclusif de l'époque pour le monde féminin. Il m'est alors venu à l'esprit que ce désordre familial que vous dénoncez originellement, si grand que vous consacrez une grande part de votre vie à tenter d'accéder à la "religion des vérandas", est à la source même de ce que vous êtes. J'ai cru comprendre, en effet, que vous étiez parolier, directeur artistique... Je veux dire par là que ce qui fait la dimension principale de votre existence, la poésie, l'écriture, nait de cette douleur, de cette précarité, de ces failles qui vous ont blessé. Et l'on se trouve, grâce à votre texte, confronté intimement à ce paradoxe que l'on connaît pour peu de l'éprouver, à savoir que ce sont nos blessures qui nous construisent dans notre dimension de créateur.

Je tenais à vous dire très simplement et sans grand souci de la forme, à quel point votre démarche d'écriture m'avait frappé.

Très amicalement,

Jean-Guy Soumy

16 février 2006

Salut les copines

Les féminins on ne les a jamais eus à la maison. Maman était plutôt Historia. Vava lisait Le Figaro. Et toi Ciné-Revue. Michelle Morgan Gary Cooper ces noms magiques dans la poussière de chez toi. Les féminins c'était un autre continent. C'est au mariage qu'ils sont entrés dans le salon. Vers la trentaine. Dans le sillage de Marjolaine. Les voir les féminins qui tournent aujourd'hui autour du texte. Les voir Elle et Cosmo et Marie Claire qui tournent les premières autour des Langues paternelles. Alors que la critique mâle dort encore. Moi qui croyais avoir écrit un livre de garçon. Salut les filles quelle surprise. Pas mécontent bien sûr. Mais quelle surprise. Faut-il qu'elles vous intriguent ces histoires de pères. Je vous comprends. C'est l'angoisse le départ du père. C'est l'angoisse cette disparition soudaine. Ils étaient des millions qui peuplaient le siècle dernier et soudain plus personne à l'horizon. Où sont-ils donc passés? Salut les filles je ne sais pas si je vous donnerai la réponse. J'ai tant cherché moi-même. Un papa est caché dans le paysage saurez-vous donc le retrouver? Salut les filles le désespoir qui vous anime je le comprends si vous saviez. Tout faire soi-même dans ce nouveau siècle voilà ce qui vous attend. Pas d'autre choix que d'être pères vous-mêmes. Salut les filles quel courage il vous faudra dans le nouveau siècle. Salut les filles sous la statue cet attroupement quelle surprise et quel silence.

15 février 2006

Marie-Claire: peut mieux faire.

Peut mieux faire. C'est la note que Marie-Claire donne aux Langues paternelles. Pas mal pour un premier roman, de l'enthousiasme, de l'allant, du mouvement, et même "une puissance et une émotion extraordinaires", elle écrit ça Marie-Claire. Mais. Mais voilà. Mais des répétitions. Normal, c'est un parolier, il écrit des chansons, alors la manie des refrains, vous voyez. Si si c'est marqué dans Marie-Claire, vous pouvez l'acheter, c'est le numéro du mois.

Si tous les morts étaient comme toi

Ca ne va pas vous plaire. Mais je le dis quand même. Il y a comme un malentendu. Il s'amorce. Je le vois qui se cristallise. L'inévitable malentendu. Vous arrivez ici et c'est une sorte de communion que vous cherchez je le vois bien. Autour de la disparition. Du deuil, du grand chagrin, je lui ai fermé les yeux, comme elle me manque, toutes vos souffrances. Pierre Assouline et son très beau passage sur le téléphone. Et l'autre soir la présentatrice à la voix si juste qui ne tremble pas. Les clés laissées aux enfants par les parents qui disparaissent trop tôt. Une phrase comme ça, avec sa voix si juste. Un très très beau récit sur les parents qui disparaissent trop tôt.

Trop tôt. J'ai écrit ça? Moi?

Il voudrait mettre les choses au point, l'auteur. Attention attention. Pendules à l'heure. Même si ça ne vous plait pas.

Trop tôt? Tu aurais disparu trop tôt, petit papa? Mais non c'est pas trop tôt, pas du tout. Tu avais quatre-vingt sept ans, moi quarante-trois, il était temps. J'étais en âge de supporter. Et même papa, si tu veux savoir, j'attendais. Depuis un certain temps. Avec une impatience certaine je l'attendais qu'on passe à autre chose. Je ne sais pas quoi, mais autre chose. Il fallait que tu meures pour qu'on arrive à se parler comme aujourd'hui. Quelle tchatche aujourd'hui. Quelle loquacité. Quelle qualité de relation. On n'arrête plus. Jamais je ne t'ai tant parlé. Et quelles conversations. Auster Kafka Weyergans rien que du top niveau. Guitry et Fréhel sont dépassés depuis longtemps. Mais il fallait cette étape-là ta mort, ce petit départ de rien du tout, pour que je sache les écouter les voix. Que j'en aie la curiosité. Alors trop tôt, non pas trop tôt, tu es mort à ton heure, ponctuel, rien à dire. Un mourant exemplaire, et aujourd'hui un mort parfait. Docile. Si tous les morts étaient comme toi.

Oui mais. Mais il ne t'appartient plus le livre petit auteur. Il est aux autres. A tous les autres. Ce que tu as voulu dire, ce n'est plus toi qui le sais. C'est eux. Ils piochent ce qu'ils veulent, entendent ce qu'ils veulent, ils trouvent ce qu'ils veulent, ils disent ce qu'ils veulent.

14 février 2006

Trains

Les trains. C'est vrai qu'il y a un train, dans les Langues paternelles. Un sacré train. Le grand train des pères de famille. Où je suis monté sans billet sans bagage. De bon matin je l'ai rencontré le train. De bon matin j'en suis tombé du train. C'est vrai. Mais toutes ces histoires de trains, tout de même, dans vos récits. Marie l'a lu dans les trains. Gri dans le TGV. Traube a lu les 81 premières pages dans le Genève-Zurich. Lit-on encore ailleurs que dans les trains, aujourd'hui?

Soir 3

Ca devrait toujours se passer comme ça. Ca devrait toujours avoir cette innocence. Ca commence dans une petite librairie de quartier, un samedi de grisaille. Ils cherchent des livres pour les enfants. Elle tombe sur les Langues paternelles. Ils achètent le livre. Elle le lit. Elle le lui passe. Il aime aussi. Il travaille à la télé. Il en parle à son travail. Et la présentatrice en dit un mot le soir au journal de la nuit. En lisant la bande bleue. C'est pas grand chose un père. C'est trop dur ou trop tendre. Tu parles d'une statue. Enfin ça ne va jamais. Ces phrases-là, vous savez.

La voix qui dit tous les soirs les nouvelles, la voix qui pose les questions aux ministres, la voix si bien timbrée, la voix toujours juste, la voix qui jamais ne tremble, l'entendre prononcer ces phrases-là. Savoir d'où elles viennent, ces phrases-là, d'où elles remontent avec tant de peine, de quels fonds elles sont hissées, et les entendre dites par cette voix-là. Attendre qu'elle tremble, juste un peu, la voix. Tremblera-t-elle? Et puis ne pas savoir si même elle a tremblé. Ne pas savoir. Il est passé, le grand navire.

13 février 2006

Ce que les mots déclenchent

"voilà ça peut résoudre plein de choses ce livre, ça peut suspendre plein de séances d'analyse pour plusieurs d'entre nous parce que ça évoque pour nous des choses vraiment énormes, énormes"

dit Laurent

"j'ai aimé votre livre...

Au point de le terminer hier dans ce même train et de me sentir vraiment seule sans lui"

dit Marie

"Je n’ai pas l’habitude de m’épancher , vos mots ont réussi à me perturber et mes doigts ont parlé seuls des pleurs de mon cœur"

dit Hanna

"Aux grands pessimistes fumistes paranos je demande si on ne peut pas être bête un instant. Juste bête. Naïf, innocent. Et simplement lire la parole de ce fils. Peu importe son nom son pseudo son origine pavoisions naïvement sur ses langues paternelles. C’est un beau texte. Un texte qui ne laisse pas indemne, où assis dans une rame de tgv on se surprend à rire mais aussi à pleurer"

dit Gri.

Vos mots. Vos phrases. L'écho de mes pauvres mots dans vos rires dans vos larmes.

Ce qu'ils déclenchent les mots des langues paternelles. Cet ordre qu'ils perturbent.

Ces délivrances inattendues.

Ces espoirs dans la nuit.

Ces addictions insupportables.

Ce n'est pas moi Laurent, Marie, Hanna, Gri. Ce sont des mots qui viennent du fond du père.

11 février 2006

Puisqu'elles transpercent, les langues

Encore un mot à Traube. Ceux qui doivent le lire. Ceux à qui elles s'adressent. Ceux qu'elles doivent transpercer les langues paternelles. Qui se dressent sur leur chemin et qu'elles transperceront jusqu'à la fin des temps ça s'appelle les générations. Puisqu'elles transpercent. Puisqu'elles coulent jusqu'à la mer normal c'est une lave une coulée de lave rien ne l'arrête. Ceux-là ont lu bien sûr. Pierre a lu le premier c'est normal c'est l'ainé sur le chemin c'est le premier. Les deux autres mes amours liront un jour. Et leurs enfants aussi. Ta vieille poésie papa. Tes vieux textes. Tes vielles manies d'écrivains. Oui mes chéris ce texte il est pour vous ce vieux texte. Et les enfants de vos enfants. Ca s'appelle les générations. C'est quelque chose un livre tout de même. Il est là maintenant. On peut faire tout ce qu'on veut le tordre dans tous les sens il est là. Il marque le moment. Sur ce chemin de feu ce sera un vestige. Son destin de vestige de témoin il ne saurait y échapper.

Un papa en bouteille

Encore un nouveau copain petit papa. Assouline a mis le texte sur son blog, et remplacé Roth par Weyergans. Ne te plains pas, que du beau monde. Toi qui aimes tant les stars on t'a servi. Que des connus. C'est quelqu'un Weyergans tu ne peux pas dire. Une belle tête d'écrivain. Un père de Goncourt, tout de même, comme camarade de jeux. Ca se passera peut-être mieux avec papa Weyergans. Tu me diras. Car tu es là, encore. Puisque le deuil je ne l'ai pas fait, il faut croire. Pas de deuil dans l'anonymat, dit Traube. C'est un texte dans les commentaires du blog d'Assouline qui se demande pourquoi l'anonymat. Tous les parents ont droit à un peu de reconnaissance, dit Traube. On verra bien Traube. Mais ce n'est pas un deuil d'abord Traube c'est un texte. Un texte tu comprends? Un texte qui tient debout tout seul un grand garçon qui marche seul je n'y suis plus pour rien. Lis donc le texte Monsieur Traube on en reparle après. Tant que tu veux. Notre deuil Traube c'est en famille. C'est en famille qu'on pleure qu'on crie qu'on mouche. Entre nous bien au chaud. Le deuil bien sûr c'est fait puisqu'à la dernière page une main lache le ballon rouge. Puisque tu es là dans ce bac à sable bien gentil tu joues le jour la nuit quand je veux exactement. Dans ta petite bouteille. Traube je vais te dire un secret ce texte c'était juste pour mettre papa en bouteille. C'est joli un papa dans une bouteille. On peut aussi mettre de la neige on retourne c'est tout blanc c'est joli tu devrais essayer.

08 février 2006

Une vraie famille, les Roth

Voilà autre chose. Il parait qu'ils sont mieux les autres fils. Bien mieux que moi. Il ne manquait plus que ça. Qu'est ce qu'ils ont de plus les autres? Qu'est ce qu'il t'a dit, papa Roth, au bac à sable? Allez parle donc petit papa. Comment un meilleur fils? Meilleur que moi? Ah. Je savais bien qu'ils approchaient les ennuis. C'est malin Assouline, ce rapprochement. Allez raconte dis-moi. Tu le sais bien que je peux tout entendre maintenant petit papa, puisque tu es mort. Tu le sais bien que c'est fini. Il l'a accompagné plusieurs fois à l'hopital, d'accord. Cesse de pleurer et raconte moi. Il a regardé ses IRM, d'accord. Discuté avec les neurochirurgiens. Regardé la tumeur en long en large en travers. Un vrai chagrin, lui. Un chagrin au long cours. De l'accompagnement patient, serein. Et moi pendant que tu mourais, j'étais au Futuroscope, je le sais bien. Avec mes trois enfants, je sais. Evidemment. Evidemment je les sentais venir les ennuis. Une vraie famille les Roth. Un vrai fils un vrai père. Avec du temps de l'attention des insomnies tout l'accompagnement du cancer de papa. Du chagrin au long cours. Du bon chagrin solide, aux normes familiales. Du bon chagrin bien sain, une vraie famille. Mais enfin. Ce n'est pas comparable tu sais bien. Tu le sais bien qu'on ne fait rien comme les autres petit papa. Sinon il n'y aurait pas d'histoire. Si elles m'avaient toujours parlé clair les langues paternelles, il n'y aurait pas d'histoire. Mais on n'est pas les seuls tu sais petit papa. Faut pas les laisser te dire n'importe quoi. Allez retournes-y et demande à papa Kafka, demande-lui donc ce qu'il en pense.

07 février 2006

Fais ce que je te dis

Te revoilà, encore? Te revoilà en larmes, couvert de sable, couvert de morve. Comme d'habitude. Veulent pas jouer avec toi? Toujours la même chose. Mais qu'est-ce qu'ils disent à la fin? Que vous ne jouez pas dans la même catégorie? Qu'ils s'appellent Auster, ou Kafka, ou Roth? Et alors? La belle affaire. D'abord ce n'est pas moi qui le dis, c'est Assouline. Ils n'ont qu'à lire. Donne-leur le lien. Personnellement jamais je n'aurais osé. Mes références à moi c'est Iznogoud, ou Tintin, ou Chelon. Evidemment on change de catégorie. Bien sûr on ne peut pas comparer. Ca aussi il le dit, Assouline. Un flûtiste, comme il dit. Dis leur donc si ça les rassure. Pas comparer bien entendu et pourtant certaines étapes, c'est curieux comme on s'y retrouve. A certains points de passage. Le moment où s'inverse la diagonale par exemple. Le moment où bascule le pouvoir.

"Pères et fils quelle histoire. De grand soleil et d'ombre, de l'adret à l'ubac, la jolie diagonale. Cette diagonale directe, implacable et douce, qui s'inverse doucement au fil des ans. Un jour on lève les yeux pour parler à ses fils et on ne casse rien, comme un couple au creux d'un lit, elle sur lui, lui sur elle, sans se déprendre. Cette ligne qui bascule de regard à regard, sans rien perdre en pureté, et rend si douce la descente".

Ca c'est de moi. Et écoute Roth à présent, qui tente de convaincre papa octogénaire de venir faire un tour dans le quartier:

"Je lui dis alors cinq mots, cinq mots que je ne lui avais encore jamais adressés de ma vie: "Fais ce que je te dis. Mets un pull et tes chaussures de marche".

Et ils firent merveille, ces cinq mots. J'ai cinquante-cinq ans, lui a près de quatre-vingt-sept ans, et nous sommes en 1988: "Fais ce que je te dis", je lui dis ça, et il le fait. C'est la fin d'une époque et le début d'une autre".

Voilà. Retournes-y petit papa. Cesse donc de renifler, et retournes-y encore. S'ils te disent quoi que ce soit, tu les leur lis les deux histoires. Tu la leur sors la diagonale. On verra bien s'ils n'en veulent pas, de tes jouets. Fais ce que je te dis.

06 février 2006

Le père d'écrivain, typologie

Papa Kafka papa Auster. Eh bien petit papa. Rien à leur dire vraiment? Je comprends bien. Je ne t'oblige pas. Des vrais des durs ceux-là des pères qui bossent. Matin au soir. Départ dans l'aube noire et retour à la nuit. Des qui remplissent l'espace. Des papas à sarcasmes. Des pères à tuer longtemps après. Au moins à contourner. Ils ne parlent que boulot? Oui c'est le propre des pères des écrivains. Le père de l'écrivain rentre au soir épuisé d'avoir vendu des immeubles ou des trucs dans des caisses. Il voit son fils de haut surtout lors du mariage avec une juive de Prague, ou quand le fils bafouille: je veux faire écrivain, papa. Alors il donne toute sa mesure le père. Alors il le crache son mépris, tout en monosyllabes, du haut de ses dollars. Ecrivain non mais pourquoi pas danseuse. Ecrivain un truc de gonzesse. Papa Kafka papa Auster ils sont comme ça? Ca ne m'étonne pas. Veulent pas jouer avec toi? Ca ne m'étonne pas, papa.

05 février 2006

Chic! des nouveaux copains

Tu as des nouveaux copains, depuis la parution du Assouline. Papa Kafka, Papa Auster, petit papa. Chic! Ils sont venus pour le goûter. Un papa bien carré, et un insaisissable dans sa grande maison, tous deux immenses comme toi, car c'est toujours immense un père. Mais non sois pas timide. Kafka Auster et Roth pour faire bonne mesure tu en as vu d'autres puisque tu as connu Sacha Guitry. Mais oui vous allez faire connaissance. Mais oui vous allez jouer, ensemble, au bac à sable. Va jouer avec les autres petit papa. Mais oui ne t'inquiète pas, ce sont des papas de papier, ils sont inoffensifs ce sont des mots de vent, ce n'est rien d'autre que du désespoir les mots pour dire le père, rien d'autre qu'une impuissance gueulée à tous les vents, je vais te les présenter.

02 février 2006

Pierre Assouline, enfin !

Eh bien voilà. Pierre Assouline enfin, dans l'Obs de ce matin. Prévenu par Robert Laffont, je dégringole à la maison de la presse. Le titre: "qui est David Serge?" Ah non! Encore le feuilleton? Mais l'article est bien. Aimant. Collé aux mots du livre. En prolongement des mots du livre. La photo d'abord. Un bus rue de Rivoli, années soixante. Bien trouvé. Comment ils ont fait, à l'Obs, pour penser à ça? Et puis l'article. Je voudrais tout citer. Je lis et je relis les phrases happées au vol.

"Ce livre appartient à tous les fils qui ont eu un père et qui ne s'en sont jamais remis".

C'est beau. Les phrases d'un autre sur les miennes. Sur les tiennes petit papa. Ce mélange. Et encore celle-ci:

"Il touchera ceux qui ont encore le réflexe de composer sur le cadran du téléphone le numéro de leur père longtemps après sa mort, juste pour prendre des nouvelles, pour demander conseil, pour rien souvent, et qui raccrochent en secouant la tête avant d'appuyer sur le dernier chiffre".

C'est beau. En secouant la tête. Les mots d'un autre sur les miens. Avant d'appuyer sur le dernier chiffre. Sur les tiens. Mariés aux tiens désormais.

01 février 2006

Ce père aimant et lâche

Aimant et lâche, dit l'article d'Elle. Ce père aimant et lâche, c'est toi. Maintenant est venu le temps des mots des autres, posés sur toi. Maintenant ils vont se poser doucement, te recouvrir, les mots des autres. Maintenant tu leur appartiens puisque je t'ai offert à eux. Maintenant qu'elle est dévoilée la statue, la voici offerte aux vents, aux pluies, et aux crottes de pigeon. Maintenant ta patine, ce sera eux, petit papa. Regarde-les les mots des autres, qui te recouvrent comme poussière. Il te faudra tout accepter, les tendres et les expéditifs, et l'immense armée de ceux qui n'auront rien compris. Puisque tu es statue, petit papa, statue en vert de gris, que les enfants ignorent, un inventeur génial, un maréchal d'Empire.